Mis à jour le 8 juin 2024 par JulieB
Sculpteur symboliste controversé au Danemark, Rudolph Tegner est l’illustration même de l’expression « nul n’est prophète en son pays ». Réfugié dans son bunker, au nord de l’île de Sealand, le sculpteur aux idéaux bien trempés repose littéralement sous son œuvre, baignée d’une lumière zénithale.
Rudolph Tegner, l’anti-Thorvaldsen
Lorsque l’on évoque la sculpture danoise, le nom de Thorvaldsen vient immédiatement à l’esprit. C’est le sculpteur de référence, au musée bien en vue, au cœur de Copenhague. Aux statues néo-classiques lisses et immaculées, s’oppose le style brute et moderniste de Rudolph Tegner (1873-1950). Ses œuvres jouissent également d’un écrin dédié à les transcender. Cependant, à des kilomètres du tumulte de la capitale danoise, niché dans une zone protégée, au sud de Dronningmølle, sur la côte nord de Sealand, le musée Rudolph Tegner expose quelque 250 sculptures de Tegner ainsi que des modèles en plâtre, en argile, en bronze et en marbre.
Le maître de la provocation
À cheval entre deux siècles, l’œuvre de l’artiste reflète les changements de style d’une société en transition. Fasciné par Michel-Ange et la mythologie gréco-romaine, il se détache peu à peu de sa formation académique, pour s’inspirer de plus en plus de ses lectures nietzschéennes. Des figures et des scènes plus torturées font alors apparition dans son répertoire. Le public danois, habitué à l’esthétique épurée de Thorvaldsen, rejette son interprétation audacieuse de sujets classiques, ainsi que ses fortes connotations érotiques.
Acclamé à Paris
Exilé pour un temps à Paris, le sculpteur danois y jouit d’une certaine popularité. Sa statue « Hercule et l’Hydre de Lerne » –symbolisant l’artiste face aux critiques acerbes, remporte d’ailleurs la Médaille d’or au Salon de Paris, en 1931. Nombre de ses œuvres s’inspirent de notre Rodin national, notamment sa dernière sculpture réalisée à Paris, « Les aveugles de Marrakech ». Une référence directe aux « Bourgeois de Calais ». Auguste Rodin est par ailleurs particulièrement bien présent à la Glyptothèque de Copenhague.
Un musée à ciel ouvert
En 1916, Rudolph Tegner acquiert 17 hectares de nature dans une zone appelée Rusland (Russie en danois), où il aimait se balader à vélo. Il y place 14 statues en bronze, dans un cadre somptueux, tapissé de bruyère, avec vue sur mer. Ceux qui connaissent le parc de Vigeland à Oslo, y retrouveront à la fois le style et le décor.
À l’image radicale de son créateur, le bunker – monolithe coiffé d’une coupole octogonale de 11 mètres sous le plafond, tranche dans la campagne danoise, où paissent les moutons. Le sculpteur gît sous la coupole centrale depuis 1950, et les cendres de sa femme l’artiste-peintre Elna Jørgensen reposent dans le socle de la statue « Apollon ».
Se rendre au musée Rudolph Tegner
Une grande partie du charme du musée réside dans son caractère isolé et dur d’accès. Un train s’arrête néanmoins à Dronningmølle, d’où il vous faudra parcourir deux kilomètres. Pour ma part, j’ai choisi de sauter dans le s-tog pour Hillerød (toutes les 10 minutes depuis Copenhague), puis j’ai pris un petit train local, pendant quelques stations, avant de continuer à vélo sur une dizaine de kilomètres aux abords du lac d’Esrum. Le trajet a bien pris deux heures (dont 20 minutes d’attente en gare d’Hillerød). À la fin de l’été, la bruyère est en fleurs, donc c’est un moment magique pour se balader dans le parc. En semaine, prévoyez votre sandwich, car le petit café attenant n’est ouvert que du vendredi au dimanche. Encore mieux, allez manger des fruits de mer à Gilleleje (à 30 minutes de vélo)!
Le musée est ouvert de fin avril à mi-octobre, fermé le lundi. Quant au parc, il est gratuit et ouvert toute l’année.
Je ne connais pas ce sculpteur, son travail est intéressant, ça change ! Le lieu du musée est un bel endroit et la bruyère n’y est pas étrangère ! 🙂
C’est un sculpteur un peu boudé, et il a lui-même pris de la distance avec Copenhague. C’est clair que son choix d’emplacement est exceptionnel!