Mis à jour le 30 octobre 2024 par JulieB
9h50, Havnsø, soleil radieux : Je glisse sur la rampe menant à la panse généreuse du ferry liant Sealand à l’île de Sejerø. Sur un coup de tête, j’ai réservé mon passage en prenant mon petit-déjeuner, juste avant de me lancer sur la route, tente, sac de couchage et planche de paddle sous le bras. Je n’ai pas de ticket retour, je laisse place à l’imprévu qui fait le charme des voyages.
Voyager seule au Danemark
Depuis quelques temps, je goûte à nouveau au plaisir du voyage en solitaire. Avant de déménager au Danemark et de commencer ce blog, j’avais passé près de 5 ans à voyager seule, de pays en pays, armée de cartes papier et de mon sourire. Je n’ai jamais vraiment partagé ces voyages sinon oralement. Mes carnets de notes et mes photos dorment dans des tiroirs chez mes parents. Ma manière de voyager a un peu évolué depuis, et je suis même passée au téléphone intelligent (auquel j’ai longtemps résisté). Si j’apprécie les avantages de l’organisation au dernier moment permises par la technologie, j’essaye de rester fidèle à ma manière de voyager, qui est l’ouverture et la découverte de l’Autre, en laissant la part belle au hasard des rencontres. Utilisé avec modération et bon escient, le téléphone souvent diabolisé n’est pas forcément un instrument de lobotomie sociale.
Quant à la « solitude », c’est une notion bien relative en voyage, vu que c’est justement le moment où on est le plus en contact avec le monde. C’est un contraste qui m’avait énormément manqué, tout comme cette pointe d’excitation presque déroutante d’être complètement libre de ses choix.
Sejerø, une petite île très danoise
C’est ainsi que je me suis retrouvée à siroter mon café à bord du ferry pour Sejerø, sans savoir combien de temps j’allais y rester. Trop d’organisation peut parfois être mère de frustration, surtout quand il s’agit des îles. Ces microcosmes recèlent des trésors bien gardés du reste du monde. J’avais donc laissé carte blanche à Sejerø, prête à y passer le week-end si cela s’y prêtait.
Où l’expression en prendre plein les yeux fait sens
La blancheur aveuglante de l’église de Sejerby m’attire tel un papillon à une flamme. Un feu artifice de couleurs anime ses voûtes, me transportant ainsi au Moyen Age. Cette magnifique église datant de la deuxième partie du XIIIe siècle est un petit bijou non sans me rappeler les merveilles médiévales de l’île de Møn. Celle-ci à l’avantage de pouvoir accéder au niveau des fresques, pour se retrouver nez-à-nez avec l’histoire.
Le bouton d’or de Gniben
Je file ensuite vers le phare jaune d’or, à la pointe nord-ouest de l’île– Gniben. J’y rencontre Mikkel, un habitant de l’île, qui intrigué de me voir me balader seule dans le coin, me pose tout un tas de questions. Sur la carte, il m’indique de belles balades et me prévient de l’événement Åben Ødag, qui devrait attirer beaucoup de monde du continent. La tranquillité de l’île n’est donc qu’à durée limitée. Avant de nous quitter, il me demande « Est-ce que t’aimes les oignons? ». Et, il me fait signe de le suivre dans la lande. « La fin de l’été, c’est le meilleur moment pour collecter plein de bonnes choses dans la nature ». En quelques secondes, il dégotte une poignée d’oignons sauvages en grappe. « Roule la graine dans la paume de ta main et croque. Une véritable bombe de saveurs ! ».
Suivre le lièvre de Paasilinna
Je continue ma route vers l’autre pointe de l’île, pour une petite marche le long des falaises et à travers champ. Je reste immobile un moment à m’imprégner du paysage, respirant les senteurs enivrantes d’une nature au faîte de sa maturité, et un lièvre curieux me tire de ma torpeur en bondissant à deux mètres de moi. L’Alice que je suis tente de le suivre dans la forêt de sapins.
Au final, j’ai repris le ferry en fin d’après-midi, charmée par Sejerø, et contente d’avoir gardé mes options ouvertes.
Explorer le fjord de Roskilde
Il fut un temps où le fjord de Roskilde était le centre du monde scandinave. Aujourd’hui, ses berges paisibles abritent des maisons de vacances de Copenhaguois cossus, qui s’égrainent le long de la côte, entourées d’immenses forêts.
Dormir au bord du fjord de Roskilde
Avec un superbe coucher de soleil rose-violet en arrière-plan, je plante la tente à l’entrée du fjord, au bord de l’eau, dans une zone de camping libre ou « friteltning ». Au petit matin, je découvre mon voisin de tente, ou de hamac dans son cas: un grand barbu blond platine, coiffé d’un bonnet rouge, brinquebalant une pile de gamelles sales vers le bord de l’eau. Je ne l’aurais même pas remarqué s’il n’avait pas secoué son auvent de la rosée matinale. « Godmorgen ! »
Selsø, ou comment ma quête de café se termine dans un monastère
Comme je suis partie une peu à l’arrache, je n’ai pas vraiment prévu de quoi me faire une dose de caféine matinale. J’avais espéré en trouver au café du coin. En remontant vers la pointe de la péninsule la veille, j’avais repéré de jolis châteaux. J’essaye d’abord Jægerspris, mais le mignon café n’ouvre qu’à 11h. Je continue alors ma route vers Selsø. J’y découvre une magnifique église surplombant un lac. Une peu plus loin dans les bois, une imposante bâtisse entourée de douves allait satisfaire mes besoins en caféine. L’œil du chasseur repère le mot « kaffe » à l’entrée du château. Le gardien à la chevelure d’argent m’y accueille avec une petite blague bien danoise « Le café n’est pas prêt, donc tu ne peux pas acheter une tasse de café mais tu peux quand même acheter une tasse à café si tu veux ». Ceci étant dit, Peter met la cafetière en route, et tout en me posant mille questions sur le comment du pourquoi une Bretonne se retrouve dans ce petit château méconnu au fin fond du Danemark, il me prépare un petit-déjeuner de princesse dans de la porcelaine qui pourrait bien être exposée dans les vaisseliers du château. Intarissable sur la région et son histoire et avec une petite pointe de fierté, il me raconte notamment son périple jusqu’en Irlande, à bord du Sea Stallion. Une grande carte du fjord illustre ses propos, et je l’interroge alors sur une minuscule île qui m’intrigue, Eskilsø. Ses yeux bleus clairs s’ouvrent en grand et il m’invite vivement à découvrir les traces d’un monastère fondé par des Français.
Eskilsø, l’île aux moines rebelles
Dix minutes plus tard, je traverse la forêt me menant aux rives du fjord de Roskilde. Le quai est désert. J’étais sûre que ma planche de SUP me servirait durant le week-end. Je ne me déplace plus sans elle. Le temps de la gonfler, une barque de pécheur accoste avec une flopée de têtes blanches venue écouter des histoires. Sous leur regard ébahi, je m’élance à l’assaut d’Eskilsø. Pas besoin de passeur quand on est son propre capitaine. Une fois sur l’île, je suis le chemin menant aux ruines de l’abbaye mentionnée par Peter. Les vieilles pierres me chuchotent des histoires des temps anciens, où des moines à l’esprit plus libre que saint ont reçu la visite de Bernard de Clairvaux, pour les remettre dans le droit chemin de la vertu. Pèlerinage accompli, je poursuis ma route, au fil de l’eau. Les ondulations cristallines du fjord me révèlent sa vie sous-marine, et la fameuse crevette grise de Roskilde, celle-là même servie à la table du Noma. En parlant de manger, mon estomac me rappelle doucement qu’il est temps de retrouver une Copenhague exaltée par les températures estivales.
En ces temps fous, je te trouve bien brave et téméraire de voyager seule et de dormir à la belle étoile au gré des quatre vents. Je comprends que le Danemark ce n’est pas l’Amérique mais il faut quand même une bonne dose d’audace. Tu en as plein manifestement. Arrives-tu à bien dormir et à t’assoupir ?
S’il y a bien un endroit où je peux le faire, c’est au Danemark! Et justement, le fait d’avoir marché pour atteindre l’endroit éliminait tout autre présence humaine…qui ne s’est pas manifestée avant midi, après avoir rebroussé chemin. J’ai plutôt bien dormi. L’endroit était reposant, et je m’y sentais plus en sécurité que quand je campe plus proche de la civilisation. Les humains me font plus peur que les moustiques…
Encore de très beaux endroits et quel plaisir d’être seul, ça ressource clairement ! 🙂
Ils y en a quelques uns au Danemark ? Être seul-e au Danemark, c’est assez facile en fait.
Bonjour Julie,
Magnifique reportage très senti. J’adore moi-même voyager seul pour les raisons que tu évoques. C’est l’ultime liberté. Ça permet de se réorienter et de se recentrer. Ça permet aussi de rencontrer des gens comme toi. Je suis allé en Suède et au Danemark l’an dernier après avoir lu ton blog. Voyage fort enrichissant. J’ai même eu le privilège de manger chez Fäviken !
Wolfgang, lecteur assidu de Montréal
Bonjour Wolfgang, Merci 🙂 Se recentrer, c’est exactement ça que je recherche!
Ça se sent dans tes derniers blogs ce besoin de rebrasser les cartes.
Wolfgang
Aahh comment ça?
La mise en contexte au début du récit de cette escapade donne cette impression. On sent un besoin de détachement. Mais c’est une impression Jilie.
C’est plus qu’une impression, vu que ça fait quelque temps que je revoyage seule.
Un article merveilleux !
Merci Alexis! Comment vas-tu? Ça fait au moins un an que nous n’avons pas parlé?!